Je tiens mon bout: il ne gagnera pas !

Autoritaire

C’est l’après-midi et les enfants jouent dehors. La petite Camille, 4 ans, vit une colère suite à l’intervention d’une éducatrice. Elle est assise sur un banc et  pleure à intermittence. Quelques minutes plus tard, c’est une autre éducatrice qui décide de prendre la relève auprès d’une Camille toujours contrarié. Elle lui dit d’un ton ferme : «Camille, va ranger les jeux et va aider les copains. Ils ont déjà ramassé beaucoup de choses, toi aussi tu vas ranger!»  On entend alors la fillette émettre un gémissement plaintif et pleurer de nouveau, un peu plus fort. L’éducatrice lui dit d’aller mettre ses souliers et de venir ranger les jeux. Camille toujours en colère, s’assoit par terre et continue de pleurer. D’un ton très ferme, l’éducatrice lui répète plusieurs fois la consigne et passe plusieurs commentaires : «Ce n’est pas aux amis à tout ranger, tu mets tes souliers et tu va ranger les dinosaures, allez!». Elle menace également la fillette : «Mets tes souliers et va ranger ! Sinon c’est moi qui vais te chercher!»

Après plusieurs minutes sans intervention de la part de l’éducatrice, je n’entendais plus l’enfant pleurer. Je me retourne et vois qu’elle a mis un soulier. Je l’encourage : «Oh! Super! Tu as mis un soulier, il n’en reste plus qu’un et tu es prête !» Ses petits yeux se sont tournés vers moi, son visage s’est adouci, puis elle a pris son deuxième soulier, prête à continuer son action.

Dès lors, l’éducatrice me dit : «Ne lui parle pas ! On est en intervention avec elle, tu ne dois pas lui parler». Sur ces mots, Camille arrête son geste, dépose son soulier et recommence à pleurer. L’éducatrice lui répète la consigne sur un ton très ferme et la menace: «Allez!  Met tes souliers, sinon tu iras ranger les pieds nus.» L’enfant, toujours contrarié et en pleurs, suit l’éducatrice qui l’amène  ranger les jeux, une chaussure au pied, l’autre dans la main. Le tout se fait dans un climat de plaintes et de pleurs.

Tenir son bout, c’est bien, mais ce n’est pas tout. Pour certains, tenir son bout rime avec : «Il ne gagnera pas! Il va voir c’est qui le boss!.»; «Tu veux jouer à ça? Il ne me niaisera pas!» Ce genre de discours, souvent interne, est un bon signe qu’on n’a pas la meilleure attitude. La motivation de tenir son bout dans l’intervention ne devrait pas être de gagner sur l’enfant ou de prouver que nous avons le pouvoir.

Elle devrait davantage être de vouloir laisser l’enfant expérimenter sachant très bien qu’il est en apprentissage. Il fait des choix et réalise tranquillement qu’il y a des conséquences. Ce genre de discours aurait donc intérêt à être remplacé par «C’est difficile avec Antoine aujourd’hui, mais il est en apprentissage. Puisque c’est moi qui ai le rôle de lui enseigner, je vais tenir mon bout.»  S’il est important d’être ferme, il l’est tout autant d’être chaleureux. On utilise donc un ton ferme et bienveillant.

L’enfant doit sentir l’amour et l’acceptation dans la fermeté et non la colère. «Je suis ferme parce que je t’aime et que je veux t’apprendre quelque chose», et non «Je suis ferme et je te jure qu’avec moi, ça ne passera pas!»

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Il n’y a pas que l’attitude qui joue un rôle dans le succès de l’intervention. Il est également primordial de renforcer les bons comportements. Dans le cas de Camille, l’éducatrice a mis l’attention sur les comportements négatifs, mais n’a en aucun cas encouragé les efforts de l’enfant. On peut d’ailleurs constater que lorsque je l’ai félicité et encouragé, Camille est demeurée calme et était prête à collaborer. Puis, lorsque l’éducatrice est intervenue en disant que je ne devais pas lui parler, elle s’est remise à pleurer et à refuser de collaborer.

C’est comme si elle enregistrait le message : «Peu importe que je me comporte bien ou mal, on me chicane quand même! Alors je n’ai plus le goût de faire des efforts.» Trop souvent, adultes occupés que nous sommes, nous ne voyons pas et n’encourageons pas suffisamment les bons comportements des enfants. Par contre, nous relevons assez facilement les comportements qui nous dérangent. Résultats? Nous donnons davantage d’attention aux comportements négatifs, renforçant ceux-ci sans le vouloir. De plus, l’enfant à l’impression qu’il n’est jamais ou rarement adéquat, puisque nous soulevons ses erreurs, mais peu ses efforts. L’estime de soi s’en retrouve également affectée.

Combien d’entre-nous avons été en présence d’un enfant qui jouait bien, s’occupait seul sans problèmes et l’avons laissé à lui-même sans le féliciter pour son beau comportement, profitant plutôt de la situation pour faire nos tâches? Mais, alors qu’il se met à courir dans la pièce et à sauter sur le canapé, au revoir les tâches et bonjour les réprimandes!

Soyez vigilant : portez attention à leurs efforts et valorisez-les: «Même si tu étais déçu et que tu n’avais pas le goût, tu as quand même rangé ton livre. J’apprécie beaucoup!» Investissez du temps dans l’attention aux comportements positifs, vous verrez que c’est bien plus payant qu’investir dans les comportements négatifs.

Auteur: Suzie Chiasson-Renaud: bachelière en psychoéducation, coach familial chez SOSNancy