Le principe des chips molles…

Quels comportements rapportent le plus d’attention à vos enfants?

Le principe des chips molles

Dans mon livre, Parent gros bon sens, et lors de mes conférences, je compare souvent l’attention que l’on porte aux enfants à des croustilles. Cette métaphore a beaucoup fait réagir les gens qui m’en parlent très fréquemment. Voici donc la « célèbre » théorie des chips molles.

Imaginons que vous donnez à un enfant le choix entre deux bols de chips : un bol de bonnes chips fraîches et croustillantes et un bol de chips molles (vous savez, ces chips qui sont restés trop longtemps dans l’armoire chez grand-mère et qui sont devenues humides?) Lesquelles choisira-t-il? Les croustillantes, bien entendu! Mais s’il ne reste plus de chips croustillantes ou si elles sont hors de portée et qu’il a le choix entre les chips molles ou pas de chips du tout, que choisira-t-il? Eh bien, il goûtera probablement aux molles, juste pour voir… Et puis s’il est un tantinet gourmand, il en mangera encore un peu, puis encore…

Comparons maintenant les chips à l’attention que l’on porte à un enfant. L’attention positive, les discussions, la valorisation, les jeux et le temps de qualité sont comparables aux croustilles fraîches, alors que l’attention négative, les réprimandes, les critiques et les ordres s’apparentent aux croustilles défraîchies. Bien entendu, tout enfant préfère l’attention positive aux réprimandes mais, il faut bien l’avouer, les parents sont souvent occupés et l’enfant n’a pas toujours accès à l’attention positive dont il a besoin. Il est alors tenté de « piger dans le bol de chips molles » et obtient souvent une pleine ration d’attention en adoptant des comportements répréhensibles. Vaut mieux de l’attention négative que pas d’attention du tout. Si vous donniez des croustilles à un enfant chaque fois qu’il se conduit mal, seriez-vous surpris de constater que ses mauvais comportements persistent?

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Chez-vous? Quel est le meilleur moyen d’obtenir des chips (de l’attention)? Par exemple, à table, lequel des enfants reçois le plus d’attention? Celui qui mange sagement ou celui qui rechigne sur ce qu’il y a dans son assiette? Pour votre enfant, est-ce plus payant de s’habiller « comme un grand » ou bien à la vitesse d’un escargot anémique? à l’heure des devoirs et leçons, quelle attitude apportera le plus de croustilles? L’autonomie ou une attitude geignarde?

L’attrait des chips molles est particulièrement fort chez les enfants de moins de six ans. En effet, la plupart des mauvais comportements des enfants de cet âge visent à combler un désir d’attention. Regardez-les vous surveiller du coin de l’œil pour s’assurer qu’ils ont bien été vus lorsqu’ils se dirigent vers la plante interdite! Et avez-vous remarqué la vitesse à laquelle ils se jettent sur le bol de chips molles lorsque vous êtes occupé au téléphone ou à une tâche et que les chips croustillantes sont hors de portée? Il s’agit qu’on aille à la salle de bain pour qu’ils aient tout à coup mille questions à poser. Pourquoi? Hé bien certains enfants manquent effectivement d’attention, soit parce que leur parents sont très occupés ou en raison d’une situation temporaire (déménagement, arrivée d’un bébé, séparation, etc.), d’autres, au contraire, ont été habitué depuis leur naissance à l’omniprésence de l’attention parentale et ne se sentent pas bien lorsqu’on bouscule leur habitudes. D’autres encore sont simplement de petits gourmands au tempérament extravertis qui ressentent beaucoup de plaisir à attirer l’attention sur eux. Finalement, il y a aussi certains enfants anxieux qui semblent vivre un grand malaise lorsque l’attention des personnes importantes pour eux n’est pas disponible. Ils semblent incapable de ce centrer sur eux-mêmes et ressentent une forme de panique devant le « vide relationnel » qu’ils tenterons de combler par tous les moyens. Ce type d’enfant aura peut-être besoin d’un soutien psychologique afin de mieux comprendre ce qui se passe en lui et mieux gérer son anxiété.

Mais regardons maintenant un exemple d’enfants en recherche de croustilles…

L’agitation d’Étienne

On demande un jour mes services dans un centre de la petite enfance pour un jeune homme de 4 ans plutôt turbulent. En effet, Étienne semble avoir du mal à rester en place, fait la sourde oreille aux consignes, a du mal à attendre son tour, monopolise les discussions de groupe et frappe souvent ses pairs, parfois sans raison apparente. Les éducatrices perçoivent bien que l’enfant recherche l’attention de façon négative, mais elles ne savent plus trop comment l’encadrer puisqu’il semble prendre plaisir à s’opposer, quitte à en assumer les conséquences négatives. Elles soulignent qu’il semble très heureux lorsqu’il est valorisé et qu’il collabore bien lorsque l’éducatrice lui accorde l’attention exclusive.

Je vais donc l’observer dans son groupe. À peine suis-je arrivée qu’il grimpe sur mes genoux et m’assaille de questions. Dès que je m’adresse à un autre enfant, on sent l’agressivité et le désarroi monter en lui. Très rapidement, je constate qu’il cherche de l’attention. En effet, lorsque des consignes sont données au groupe, il fait mine de ne pas avoir entendu et surveille l’éducatrice du coin de l’œil. Lorsqu’elle intervient directement auprès de lui, il obtempère, mais seulement lorsqu’elle le regarde. Il s’organise constamment pour faire répéter les adultes, tente d’être le centre d’attention des pairs, ne tolère pas le partage des jouets et s’empresse de pousser quiconque reçoit un peu d’amour de la part de l’éducatrice. Tout en évaluant Étienne, j’observe aussi les interventions des éducatrices (que je trouve formidables, soit dit en passant). Dans mon cahier, pour chaque croustille molle, c’est-à-dire chaque fois qu’une éducatrice intervient de façon négative ou qu’elle accorde de l’attention à Étienne suite à un mauvais comportement de sa part, j’inscris un crochet (√) et pour chaque croustille fraîche, donc chaque fois qu’Étienne est valorisé et qu’il reçoit de l’attention suite à un comportement positif, j’inscris une étoile (*). Au bout d’une heure trente, malgré l’excellence des interventions des éducatrices, Étienne avait amassé 32 crochets (ou chips molles) pour seulement 3 étoiles (chips croustillantes)! Il n’est donc pas très étonnant de constater que les comportements négatifs persistent…

 Je suis ensuite allée observer Étienne chez lui. Les parents étaient bien inquiets des comportements de leur fils à la garderie, mais disaient ne pas avoir ce genre de problème à la maison. Ils avouaient toutefois que leur fils exigeait beaucoup d’attention, était incapable de jouer seul et devenait agité lorsqu’il y avait des invités à la maison. Ils ne comprenaient pas la recherche d’attention de l’enfant puisque, disaient-ils, ils lui en donnaient beaucoup.

En effet, pendant l’entrevue avec les parents, Étienne a multiplié les demandes. Ses parents lui ont toujours répondu avec empressement, même lorsque le moment était très mal choisi. Par exemple, alors que son père était au téléphone avec un client, Étienne lui a posé une question. Monsieur a alors fait attendre son client au bout du fil afin de répondre à son fils. Lorsqu’ils ne pouvaient répondre par l’affirmative, les parents prenaient chaque fois un long moment afin de justifier leur refus et offrir à l’enfant une solution de rechange. Madame a avoué que le soir et les fins de semaine, toute la vie familiale tournait autour d’Étienne. L’un des parents jouait avec lui alors que l’autre préparait les repas, ils allaient ensuite jouer au parc, tous ensemble, et les tâches ménagères étaient généralement effectuées lorsque le garçon dormait.

Étienne avait été ardemment désiré par ses parents, qui ont mis plusieurs années à le concevoir. Il resterait donc enfant unique et les parents, bien intentionnés, avaient convenu de se consacrer entièrement à leur fils. Maman était restée à la maison avec lui jusqu’à l’âge de trois ans et elle a vécu beaucoup de culpabilité lorsqu’elle a dû « l’abandonner » à la garderie. Elle tentait donc de maximiser toutes les précieuses minutes passées avec son enfant.

Étienne semble donc avoir bénéficié d’énormément d’attention depuis sa naissance. On l’a habitué à ce que les croustilles soient disponibles en permanence. Pour lui, obtenir de l’attention, jouer avec un adulte et être le centre de l’univers n’est donc pas un privilège qu’il peut apprécier, mais un droit. Il devient très anxieux dès que qu’il n’a pas accès à cette attention. Avec les meilleures intentions du monde, ces parents ont quelque peu gâté leur fils. Ils l’ont conditionné à rechercher l’attention constante et celui-ci est devenu incapable de vivre le moindre délai dans ses demandes.

Plan d’action

J’ai donc demandé aux parents de « sevrer » progressivement Étienne et de l’entraîner à devenir plus indépendant. D’autre part, j’ai demandé au service de garde d’aider l’enfant à mieux tolérer le partage de l’attention en restant plus près de lui, en le touchant et en le regardant régulièrement afin de le sécuriser, en lui tenant la main dans les déplacements et en l’aidant à choisir ses jeux. Bref, je leur ai demandé de lui accorder davantage d’attention dans les transitions et suite aux bons comportements. D’autre part, j’ai demandé tant aux parents qu’aux éducatrices de réduire au minimum l’attention qui est offerte à Étienne lorsqu’il agit de manière indésirable.

 Alors on fait quoi?

  1. Donnez-lui davantage d’attention lorsqu’il se comporte bien et valorisez les bons coups

Malheureusement, il est souvent plus naturel pour les adultes de relever les mauvaises conduites des enfants que de porter attention à leurs gestes positifs. En tant qu’éducateur, vous devez pourtant vous assurer qu’il sera plus « payant » pour l’enfant de bien se comporter que de rechercher négativement votre attention.

  1. Concentrez votre attention sur le positif.

À quoi vous sert-il de lui lire une histoire si vous le réprimandez sans cesse afin qu’il reste bien assis? Assurez-vous de donner le moins d’attention possible aux mauvais comportements, quitte à intervenir avec humour ou à détourner son attention, et ayez du plaisir tout en renforçant ses bons comportements.

  1. Pour chaque chips molle, donnez trois chips croustillantes!

Donc, chaque fois que vous critiquez l’enfant, tentez de le valoriser ou de lui donner de l’attention positive environ trois fois. Un clin d’œil, un bisou sur le front ou un regard affectueux sont souvent suffisants pour faire sentir votre fierté à l’enfant et lui enlever l’envie de grappiller quelques chips molles.

  1. Donnez-lui sa ration quotidienne de chips imagesCA2N4DU4croustillantes

Assurez-vous de donner de l’attention positive de façon régulière et prévisible. Les jeunes enfants ont besoin d’au minimum trente minutes d’attention positive par jour. Chez les plus vieux, dix à vingt minutes peuvent être suffisantes. Je vous suggère de prévoir cinq minutes le matin au lever (en réveillant l’enfant avec des caresses ou une chanson douce ou encore en l’aidant chaleureusement à s’habiller), de cinq à dix minutes au retour de l’école ou de la garderie (faites un petit jeu, discutez de sa journée et de la vôtre, etc.) et de cinq à dix minutes au coucher (racontez une histoire, proposez-lui un massage, etc.). Les weekends, prenez une heure pour jouer avec lui et amusez-vous vraiment…

  1. Cessez de répéter, ils ne sont pas sourds!

Plus vous répétez, plus ils vous feront répéter! Quand l’enfant fait « de la surdité sélective » et ignore vos consignes, il est tout à fait inutile de répéter. Vous le gavez de chips molles et il attendra que vous montiez le ton avant de s’arrêter.

Lorsque vous donnez une consigne et que votre enfant ne la respecte pas, plutôt que de répéter ou de crier, offrez lui un autre type de signal. Par exemple, faites un compte à rebours : 5, 4, 3, 2, 1, 0. Ensuite, agissez (prenez-le par la main pour l’amener à la tâche demandée, fermez la télévision, enlevez-lui son assiette, etc.) ou appliquez une conséquence logique. Il apprendra vite que lorsque vous commencez le décompte, vous êtes sérieux!

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