Le syndrome du parent gonflable!

voisin gonflable

Hé oui! Après le « voisin gonflable » qui cherche à en mettre plein la vue en achetant toujours quelque chose de plus gros, de plus chic et de plus dispendieux que tout le monde dans le quartier, voici maintenant le « parent gonflable! »

En effet, j’observe de plus en plus de ces parents compétitifs, qui semblent perpétuellement se comparer aux autres familles et qui tentent d’en faire toujours davantage afin de gagner le prix du meilleur papa et de la meilleure maman, de montrer à tous que leurs rejetons sont « donc bien chanceux » de vivre dans cette famille exemplaire. Vous savez, ces parents dont les enfants possèdent toujours le dernier jouet à la mode, sont habillés avec des vêtements coûteux pour aller à la garderie, sont toujours coiffés impeccablement et ont visité tous les endroits les plus intéressants de la région? Ces parents qui vous regardent avec un petit air supérieur en disant : « Quoi? Ta fille porte encore des couches??? Ma Loulou a été propre à 16 mois. J’ai lu le livre du Dr Machin……. » Ou encore ceux qui adoptent le ton du reproche en haussant un sourcil : « Tu laisses ton fils manger du chocolat à 18h? Tu sais que ça peut nuire à son sommeil? Moi, les miens….. »  Beaucoup de parents se mettent la pression d’appliquer à la lettre le « petit code du bon parent » et accordent parfois plus d’importance à l’approbation de leur entourage qu’au simple plaisir d’être parent.

Fort heureusement, ce ne sont pas tous les parents pour qui le regard d’autrui prend une importance démesurée. Et je fais ici un portrait, une caricature, d’une catégorie d’adultes bien à part que vous reconnaîtrez sans doute. On peut, selon moi, classer les parents gonflables en six catégories :

1- Le parent « grande-gueule » :

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Vous savez ce parent qui semble constamment faire une démonstration de son savoir parental de sorte que tous puissent constater comme il est bon? Ce parent qu’on entend discourir sans arrêt dans la salle d’attente du médecin et qui guette du coin de l’œil ses voisins en quête d’un regard approbateur : « Viens ici ma belle chouette d’amour, maman va t’enlever la petite miette sur le bord de ta bouche… As-tu bien lavé tes mains tantôt? Veux-tu qu’on chante une chanson? Allez! Assied-toi ma belle chérie…. ». Et cet autre, qui étales toutes ses connaissances sur l’éducation des enfants à chacune des fêtes de familles et abreuve chacun de ses judicieux conseils alors que personne ne lui a demandé quoi que ce soit. Ce même parent se permettra généralement de faire des interventions tout aussi tapageuses auprès de VOS enfants de façon à vous faire sentir que vous êtes débonnaire et négligent puisque vous n’êtes pas intervenu devant tout le monde.  Il vous fait donc une démonstration de la bonne méthode à adopter.

Ou encore cet autre parent qui se fait un devoir, lors de fêtes entre amis, d’intervenir auprès de ses enfants devant tout le monde en s’assurant qu’on le voit : « Sois poli Mathieu, dis merci! Ce n’est pas comme ça que je t’ai élevé, voyons!  Allez, vient nous aider à mettre la table, tu le fais à la maison…. ». Il ne laisse rien passer et ne quitte pas ses enfants des yeux afin de pouvoir relever chacune de leurs erreurs et prouver à tous combien il est efficace.

2- Le parent G.O. :

Vous reconnaîtrez ici certainement ces parents qui, lorsque vous discutez avec eux, étalent la looooongue liste de toutes les extraordinaires activités qu’ils font avec leurs enfants, de tous les endroits fabuleux visités. Ces parents qui insistent pour vous montrer tous les bricolages originaux suspendus partout dans la maison. Ils n’ont plus de vie sociale, plus d’activités personnelles et ils passent tout leur temps libre à « animer » leurs enfants ou à faire le taxi pour les reconduire à leurs 1 001 activités parascolaires. Leurs enfants n’ont pas besoin d’amis puisque papa et maman sont toujours au garde- à-vous afin de les satisfaire. Ils ont toujours l’impression de ne pas en faire assez et ils se sentent mal si un copain de leur enfant a fait quelque chose qu’ils n’ont jamais fait en famille. Leur anniversaire a l’air d’une fête foraine, leur salle de jeu ressemble à la caverne d’Ali Baba et il est hors de questions que leurs enfants n’aient pas quelque chose que vos enfants possèdent. Ils ont une piscine, un cinéma
maison, un trampoline, des jeux gonflables, tous les jeux vidéos à la mode et se font une fierté de ramasser tous les enfants de la rue chez-eux. « Mes enfants sont populaires » disent-ils?

Je connais même certains de ces parents G.O. capables de vous interrompre au milieu d’une phrase pour aller jouer au salon avec leur marmaille en chantant des comptines alors qu’ils vous ont invités chez eux. « Je veux que mes enfants sentent qu’ils sont importants », disent-ils. Comme si vous étiez un horrible parent négligent lorsque vous laissez les vôtres jouer avec leurs amis parfois.

3- Le parent parfait 

Peut-être avez-vous déjà rencontré ces parents qui occupent tous les deux des postes de direction, qui ont réussi dans la vie. Monsieur est toujours bien habillé et arbore un sourire figé alors que madame possède un corps de mannequin malgré ses trois grossesses : aucune trace de vergetures, ongles manucurés, chevelure soyeuse et toujours bien coiffée, chaussures à talon même le samedi matin à 9 h. Ils vous reçoivent dans leur magnifique maison, impeccable, en vous disant : « Ne regarde pas le ménage, je n’ai pas eu le temps de le faire ! », puis vous servent un verre de vin à 30 $ la bouteille et vous offrent du canard à l’orange un mardi soir. Leurs enfants arrivent bien sûr de la meilleure école privée et viennent vous dire un bonjour poli, avant de disparaître on ne sait où. Bien entendu, ils ne se querellent pas dans le salon en poussant des hurlements et mangent ensuite leur repas sans geindre, ni renverser de sauce tomate sur leurs vêtements. Vous n’avez surtout pas envie d’inviter ce genre de parents à souper chez vous… Et une question me titille toujours: « Sont-ils heureux? »

4- La maman de Caillou 

Ce type de parent veut se montrer fin psychologue et tente d’élever ses enfants sans jamais hausser le ton ou se mettre en colère. Il multiplie les explications, les entourloupettes, les petits mensonges, les négociations interminables et les sermons dispensés sur un ton mielleux afin d’éviter de faire vivre des frustrations à ses enfants ou de devoir imposer une limite ferme et conséquente. Il vous regarde d’un air catastrophé si vous haussez le ton lorsque votre enfant désobéit et se sent investi de la mission d’expliquer à VOTRE enfant, en long et en large, les raisons qui vous ont motivé à refuser qu’il boive du café. Au resto, ce parent vous raconte qu’il a passé une nuit blanche parce que son enfant « a décidé » de dormir avec lui. Il semble tirer une certaine fierté du fait qu’il se sacrifie pour le bonheur de sa marmaille en laissant planer l’impression que vous êtes égoïste de refuser de donner votre dernière tranche de bacon à votre fils qui a mangé toutes les siennes.

5- Le parent qui a le meilleur enfant 

Dans les discussions, ce parent étale constamment les prouesses de sa marmaille :
Justin a marché à 9 mois, Corine parlait couramment le français et l’anglais à 3 ans, pendant que son grand frère Mathieu gagnait la médaille du lieutenant-gouverneur pour avoir sauvé la vie de la petite voisine. Leurs enfants sont leur bulletin de parents : ils ont des enfants exceptionnels alors ils sont certainement des parents exceptionnels. Si vos enfants ne sont pas aussi merveilleux que les leurs, ils vous abreuveront de judicieux conseils tirés de leur palmarès des meilleures interventions : « Ton fils fait des crises? Moi j’ai fait XYZ avec Corine et ce fut TERMINÉ! Elle n’a JAMAIS recommencé! », « Tu devrais inscrire ta fille à des cours de karaté, elle a l’air un peu timide. Moi je l’ai fait avec Mathieu et maintenant il est sûr de lui et il a PLEIN d’amis ».

6- Le parent qui a le pire enfant 

Il y a finalement ces parents, ceux qui me désolent le plus, qui passent leur temps à faire l’étalage des comportements disgracieux de leurs enfants, ou qui, dès les premières minutes d’une rencontre, révéleront la liste des problèmes de leurs enfants : « Matis a un trouble de l’opposition et un TDAH alors que Clara a un problème d’apprentissage et est manipulatrice; elle voit un psychologue ». Attention, je ne dis pas que les parents devraient cacher les difficultés de leurs enfants. On ne devrait avoir aucune honte à avouer que nos enfants ont des besoins particuliers ou qu’ils sont différents. Toutefois, je constate que certains parents se servent des problèmes de leurs enfants comme d’une carte de visite qui leur permet de se définir. Ils étalent sans arrêt les diagnostics et les problèmes de leurs enfants sur les réseaux sociaux ou dans les réunions sociales, un peu comme s’ils disaient : « Regarde comme je suis bon de passer à travers tout ça! », « Vois comme ma vie est un enfer et admire comme je suis fort de supporter tout ça, de continuer d’aider mes enfants après tout ce qu’ils me font subir ».Récemment, dans une soirée où les enfants s’amusaient tout près des parents, j’ai entendu une maman dire à une autre, qui venait de dire à son garçon de se calmer un peu : « Ah oui? Tu trouves que ton fils est agité? Tu devrais voir mon Simon! Là, il a l’air calme, mais à la maison il n’arrête pas! Il n’écoute jamais et fait tout pour me pousser à bout! Hein, Simon? C’est vrai hein que tu n’écoutes pas maman? Et puis, il y a ma fille! Tellement baveuse! Elle se prend pour la reine d’Angleterre ».Elle a déblatéré ainsi pendant plusieurs minutes, racontant toutes les bêtises faites par ses enfants dans les moindres détails, et ce, sans tenir compte de l’humiliation que cela pouvait leur faire vivre. On pourrait croire qu’elle cherchait à obtenir un certain réconfort ou des trucs d’intervention, mais à son ton, on dénotait davantage une certaine fierté.

Je vois aussi régulièrement des parents qui, de plus en plus tôt, multiplient les démarches afin de recevoir un diagnostic pour leur enfant ou qui leur accolent une étiquette avant même d’avoir fait faire une évaluation. La mère d’un bambin de 18 mois me disait, le plus sérieusement du monde, que son garçon avait un trouble de l’opposition ainsi qu’un TDAH et que sa vie était un enfer parce que le médecin refusait de lui donner une médication.

Pourquoi?

Bien entendu, les parents qui agissent de cette façon le font tout à fait inconsciemment et aucun d’entre eux ne cherche volontairement à nuire à son enfant. Nous vivons à une époque où la pression est grande sur les épaules des parents;  chacun veut offrir ce qu’il y a de mieux à sa famille. On regarde alors autour de soi ce que les autres parents font de génial et on se compare.  Ma copine Julie s’est remise en forme malgré deux bambins? Je suis donc paresseuse d’avoir délaissé mon jogging et de ne pas avoir retrouvé ma taille! Mon voisin joue dehors avec son fils tous les soirs? Je dois être un mauvais père puisque je n’en fait pas autant. Notre couple d’amis a amené ses trois enfants à Cuba? Nous sommes égoïstes d’avoir fait garder les nôtres lors de notre dernier voyage! Pour éviter de se sentir coupable, on tente alors d’adopter tous leurs comportements et on s’en met toujours un peu plus sur les épaules.

De plus, les jugements sont fréquents et les parents se soucient souvent du regard des autres. Quand j’étais petite, si je faisais une crise à l’épicerie, tous les regards désapprobateurs se tournaient vers moi. Maintenant, c’est le parent qu’on observe! Cèdera-t-il? Lèvera-t-il le ton? Argumentera-t-il un peu trop longtemps? Et quoi que le parent fasse, il y aura toujours quelqu’un pour dire qu’il a été trop sévère ou pas suffisamment. On peut alors vite tomber dans le piège. On module alors nos interventions afin d’éviter la désapprobation.

Dans certains cas, lors d’une séparation par exemple, c’est la crainte d’être moins aimé que l’autre parent qui pousse certains adultes à « en mettre plus que le client en demande ».

Certains adultes ont une estime personnelle fragile; ils cherchent constamment l’assentiment de leur entourage. L’égo parental a alors malheureusement la priorité sur la responsabilité éducative. En quête d’approbation, ces parents sont parfois prêts à faire des choses qu’ils savent ne pas être bonnes pour leur enfant, simplement parce qu’elles leur permettront d’être plus aimé de leur marmaille, ou encore, de mieux paraître aux yeux de l’enseignante ou de la famille. « Je sais que je le gâte trop, mais j’ai peur de passer pour une mère indigne si je n’achète pas des vêtements de marque à mes enfants alors que leurs amis en ont tous! », « Oui, je fais parfois ses devoirs à sa place, mais l’enseignante va dire que je suis un mauvais papa si ma fille retourne à l’école avec des devoirs non faits ».

En fin de compte, la question à se poser est : pour QUI les parents font-ils cela? Qu’est-ce qui est prioritaire? Le besoin de l’enfant d’être éduqué sans trop de pression, avec fermeté et bienveillance, ou le besoin du parent d’être valorisé et admiré de son entourage?

Être parent n’est pas chose aisée j’en conviens. Les critiques et le regard des autres nous pèse tous parfois. Néanmoins, je crois que la meilleure chose à faire c’est d’être soi-même, d’éduquer nos enfants en faisant chaque jours de notre mieux sans chercher à se comparer à notre entourage et de se rappeler qu’on a 18 ans pour faire notre boulot! Alors pas de panique, un jour à la fois!

Qu’en est-il de vous?

Faites-vous parfois des interventions en tenant compte du regard des autres ou restez-vous fidèles à vos valeurs éducatives?